On dirait que tout devient plus cher de nos jours, mais il y a un point de vente qui est presque incroyablement bon marché : Shein. Ce détaillant de fast fashion en ligne affiche des prix si bas que les clients peuvent facilement composer une tenue tendance (accessoires compris) pour moins de 30 dollars.

L’opération de vente au détail directe au consommateur de Shein a absolument dominé l’industrie de la fast fashion. Même pendant la pandémie, alors que McKinsey prévoyait un rétrécissement du marché mondial de près de 30% année après année à partir de 2020 – la part de marché de Shein a grimpé en flèche, avec (aux États-Unis) profits rising 568% between 2020 and 2022.

De nombreux reportages ont été consacrés à l’impact culturel de Shein, aux prévisions pour l’industrie de l’habillement et aux appels à la durabilité environnementale et à des conditions de travail correctes, mais un aspect a été négligé jusqu’à présent : l’angle de fabrication.

Comment cette entreprise parvient-elle à produire autant de nouveaux articles en si peu de temps ?

Et comment leur processus de production influe-t-il sur le reste du succès éclatant de l’entreprise ? S’agit-il d’une entrave ou d’un atout ?

Plus curieusement encore, Shein est devenu le détaillant de mode rapide dominant dans l’industrie contemporaine de l’habillement tout en ignorant apparemment le gaspillage de production – la seule variable clé que la plupart des fabricants s’accordent à éliminer autant que possible pour parfaire la production allégée.

Une croissance commerciale durable est-elle possible sans s’attaquer aux formes de gaspillage dans la production ? Si oui, cela pourrait marquer le début d’un nouveau type de stratégie de chaîne d’approvisionnement pour le marché post-pandémie. Examinons de plus près les implications manufacturières de l’ascension rapide de Shein.

Qu’est-ce que la Fast Fashion ?

Tout d’abord, il convient de faire la distinction entre l’industrie de la mode traditionnelle et la fast fashion, car elles occupent des créneaux très différents ; ce serait une mauvaise analyse que de les évaluer de la même manière.

Alors que les marques haut de gamme ou les marques de créateurs proposent des collections de haute qualité à des prix qui reflètent généralement la qualité du travail et des matériaux, les marques de fast fashion utilisent des matériaux moins chers, ce qui se reflète également dans leurs prix.

Voici quelques-unes des marques de fast-fashion les plus populaires de ces dix dernières années :

• Forever 21
• Zara
• H&M
• Asos
• Boohoo
• Fashion Nova
• NastyGal
• Shein

Nombreux sont ceux qui critiquent la fast-fashion en tant qu’industrie entière par rapport aux marques de mode haut de gamme.

Leurs raisons sont nombreuses, de l’impact sur l’environnement aux pratiques de travail douteuses, et bien qu’il s’agisse d’éléments importants à prendre en compte, nous allons nous pencher sur un aspect plus spécifique.

Si l’on considère que la fast-fashion existera toujours en tant qu’industrie en raison de la demande d’articles bon marché, quels sont les indicateurs d’une croissance durable pour une entreprise de ce créneau ?

Shein doit faire quelque chose de bien, non ?

Qu’est-ce que Shein ?

Shein (prononcé « she-in ») est une entreprise chinoise de vêtements qui a débuté comme dropshipper avec une niche dans les robes de mariée en 2008. Shein a commencé sa propre chaîne d’approvisionnement en 2014 après avoir acheté Romwe, une entreprise de vente au détail similaire en Chine.

Si vous n’avez pas entendu parler de Shein, vous feriez mieux de faire connaissance car le géant de la mode a dépassé Amazon en tant qu’application de shopping la plus téléchargée aux États-Unis l’année dernière, comme l’a rapporté The Guardian. Shein a été évaluée comme étant valeur de 100 milliards de dollars. C’est définitivement l’équivalent d’un feu ardent qui ne semble pas vouloir s’éteindre.

.

Variables de gaspillage dans l’industrie de la mode rapide

Dans une perspective de fabrication intelligente, l’élimination des déchets est la clé de la réussite industrielle. Les déchets ne sont pas seulement les restes de matières premières, mais aussi tout ce qui coûte de l’argent, du temps ou d’autres ressources à l’entreprise. Par exemple, faire fonctionner la chaîne de montage avant que les spécifications du processus de conception ne soient optimales, c’est risquer un risque plus élevé d’erreurs de contrôle de la qualité, et c’est donc un processus de gaspillage. Le gaspillage peut également être le coût d’opportunité lié au maintien d’un stock important de composants plutôt que d’utiliser cet espace pour d’autres opérations.

Les principes de la réduction des déchets figurent en bonne place dans les méthodologies de la fabrication sans gaspillage, de la gestion de la qualité totale et de Six Sigma. Le conseil classique aux entreprises en plein essor est de « couper » tout ce qui est aussi près des marges que possible : temps, matériaux, distribution et tout ce qui est jugé inutile pour ajouter de la valeur à un produit final (dans des conditions de travail raisonnables et sûres, bien sûr).

Notamment, « réduire le gaspillage » ne signifie pas essayer de s’en sortir avec le moins possible – il s’agit plutôt d’optimiser les processus individuels pour contrôler la standardisation tout au long du cycle de production. En d’autres termes, le produit final doit avoir de la valeur, fonctionner correctement et conformément aux spécifications de conception, et avoir une apparence identique à tous les autres articles de la chaîne de production.

Mais le succès de Shein est tel que les conceptions classiques du traitement des déchets sont peut-être dépassées – peut-être certains fabricants ont-ils plus de marge de manœuvre pour jouer avec les normes de production. Passons en revue les principaux types de déchets visibles dans le processus de fabrication de Shein afin d’identifier tout élément éclairant pour la chaîne d’approvisionnement et le processus de fabrication modernes.

Gestion des stocks et de la chaîne d’approvisionnement

La plupart des magasins de mode ont besoin d’une chose essentielle : Un inventaire, dans un large éventail de tailles et en plusieurs séries au cas où quelqu’un se présenterait pour un article populaire. Même pour les détaillants en ligne, la plupart n’opèrent pas en créant l’article à chaque commande – cela prendrait beaucoup trop de temps – mais retirent le produit emballé d’un entrepôt proche pour l’expédier.

Avec l’essor des achats en ligne à l’ère du numérique, les détaillants ont rapidement réalisé qu’une de ces options d’inventaire était largement moins chère que l’autre : les entrepôts pouvaient être remplis à ras bord, alors que les magasins avaient besoin d’esthétique et de vestiaires.

Dans cet article d’Atlantic sur la fast fashion « ultra », l’auteur écrit sur le premier mouvement révolutionnaire d’abandon des stocks pour la fast fashion : « Ne pas avoir à maintenir des centaines de magasins stockés signifiait que Boohoo pouvait être flexible sur la gestion des stocks. En 2018, H&M était assis sur 4,3 milliards de dollars d’articles invendus.

« Boohoo, en revanche, pouvait commander aussi peu que 300 ou 500 unités d’un style donné – juste assez pour voir s’il allait accrocher. Au fil du temps, Boohoo a accumulé de riches données sur le comportement des consommateurs en ligne, et a davantage adapté l’expérience d’achat aux goûts de ses acheteurs. »

L’article d’Atlantic lié ci-dessus note également que la marque de fast fashion Nasty Gal – qui fut un temps le « détaillant à croissance rapide » en 2012, selon le magazine Inc. – a déposé le bilan après quelques années. Boohoo a racheté la marque et fermé les magasins physiques, préfigurant la préférence croissante pour le commerce en ligne sur le créneau de la fast fashion.

L’impact environnemental de Shein

Les tissus synthétiques, matériaux de choix pour la fast fashion, comprennent des microplastiques et d’autres textiles artificiels. Le coton et les autres matières organiques sont davantage utilisés par les marques haut de gamme, en revanche, car il est très coûteux de les produire de manière organique.

Les fibres synthétiques sont réputées moins chères et recyclables, mais cette vision optimiste de la durabilité ne tient pas compte du fait que la plupart de ces vêtements ne sont pas recyclés et s’entassent dans les décharges.

D’autres entreprises éludent ces critiques grâce au marketing – par exemple, le cuir « végétalien », une alternative populaire pour les vêtements et les sacs à main, a été présenté comme un nouveau type de matériau luxueux, respectueux de l’environnement parce qu’il ne contient pas d’animaux. Cependant, ce que cette stratégie marketing évite délibérément de dire, c’est que le cuir végétalien est tout simplement du plastique, et que sa production a tous les effets négatifs de tout autre matériau non biodégradable.

Il est dommage qu’en raison des sites de production fragmentés et à petits effectifs de Shein, les propriétaires ne puissent pas utiliser les applications Smart Factory qui peuvent atténuer la dégradation de l’environnement. Pour de nombreux fabricants, en partie au sein d’industries qui nécessitent l’utilisation de combustibles fossiles, aller de l’avant de manière durable exige de prendre chaque petit avantage qui peut être pris pour réduire les émissions. Les capteurs et autres dispositifs d’exploitation des usines intelligentes peuvent effectuer des mesures précises qui permettent de réduire au maximum les déchets dans la production, par exemple.

Les usines intelligentes ne sont pas la seule solution : si Shein centralisait et standardisait une plus grande partie de sa production, des choses aussi simples que l’énergie électrique propre pourraient alimenter une plus grande proportion de la production, de sorte que les effets environnementaux pourraient être atténués.

Shein semble être l’un des principaux responsables du gaspillage environnemental, et a reçu de nombreuses critiques pour ses pratiques, mais pour l’instant, il semble que Shein ait décidé de ne pas s’intéresser à la stabilité environnementale, la considérant clairement comme sans importance pour sa stratégie globale. Peut-être qu’au fur et à mesure que les effets du changement climatique s’aggraveront, ils reconsidéreront leur décision – bien qu’ils n’aient peut-être pas l’intention de rester assez longtemps pour le découvrir.

Contrôle de la qualité et normalisation

Shein a définitivement un problème de contrôle de la qualité, mais il reste à voir s’ils reconnaîtront ou non ce problème. Les modèles Shein sont notoirement de mauvaise qualité, avec des tailles incohérentes et une technique de couture amateur. Il n’est pas rare qu’une personne commande une taille normale, par exemple un XL, et reçoive quelque chose qui ressemble à un vêtement de poupée.

Plus inquiétants sont les cas de matériaux contaminés, comme la veste pour enfants qui a été rappelée par Santé Canada parce qu’elle avait une teneur en plomb près de 20 fois supérieure à la limite autorisée.

Outre les problèmes de santé, la plupart des retours de produits finissent dans une décharge parce que jeter le vêtement est moins coûteux que d’investir dans un contrôle de qualité approprié, que ce soit dès le début de la production ou à la fin du processus de soutien à la clientèle.

Peut-être que Shein peut s’en tirer avec divers écarts de taille, mais un procès de trop sur les dangers pour la santé pourrait paralyser la réputation et les profits, donc leur meilleur pari est une solution peu coûteuse mais efficace comme des instructions de travail standard ou des KPI de contrôle de la qualité au début et à la fin du processus de production.

Développement de produits

Les détaillants de mode rapide ajoutent généralement quelques centaines de nouveaux styles maximum par jour sur leurs sites. Le chiffre de Shein oscille autour de 6000. Ce rythme semble insoutenable, mais il s’agit également d’une approche très pratique pour tester de nouveaux produits : tout jeter au mur pour voir ce qui colle.

Cela se reflète également dans leur stratégie marketing, où ils s’associent à des influenceurs qui ciblent principalement la clientèle de la génération Z. En mettant l’accent sur la nouveauté plutôt que sur la qualité, Shein est capable de générer des ventes, même avec des prix aussi bas. Charles de Brabant, directeur exécutif de l’École de gestion du commerce de détail de l’Université McGill à Montréal, a été cité dans un article de la CBC sur Shein, déclarant : « Je me méfie toujours un peu des taux de croissance exponentiels de ce genre. » L’article reflète son incertitude, faisant remarquer les « marges de profit très minces » de Shein.

Peut-être, selon M. de Brabant, d’autres détaillants évolueront-ils en intensifiant leur jeu et en suivant des voies de développement similaires. « La capacité de Shein à réaliser de petits lots de production et à les tester auprès des clients dépasse les capacités des autres détaillants », reconnaît Sandrine Devillard, associée principale de McKinsey à Montréal. Peut-être que d’autres peuvent rattraper leur retard pendant un moment, mais le rythme exponentiel de la part de marché de Shein écarte rapidement les autres.

Marketing numérique et investissement en logiciels

Techniquement, l’entreprise est fière de son infrastructure numérique, qui lui permet non seulement de gérer la production, mais aussi de s’adresser au public par le biais de campagnes en ligne et de contrats individuels avec des influenceurs. Elle puise dans les réseaux individuels d’une grande variété d’icônes – mannequins, chanteurs, comédiens – qui peuvent consacrer un moment à la promotion de Shein sur des sites comme TikTok.

Très vite, la marque est apparue partout.

Shein n’a pas seulement investi dans les influenceurs, mais aussi dans les influences elles-mêmes, en alimentant les médias tendance comme les vidéos de « haul » sur youtube (où les influenceurs commandent des boîtes géantes de vêtements et font un « first-look » où ils passent en revue les dizaines d’articles qu’elles contiennent).

Et combien de temps encore les vidéos « haul » resteront-elles tendance ? Parce que si c’est là le modèle publicitaire de Shein, alors son succès dépend d’une tendance Internet durable. Et oui, durable et tendance Internet dans la même phrase est très oxymorique, donc la question demeure :

Avec des cycles de tendances de plus en plus courts, combien de temps encore Shein peut-elle être assez cool sur Internet avant de se laisser distancer ?

Peut-être que cette question n’est pas tout à fait juste, pour être honnête, car une grande partie du succès de Shein est due à ses capacités logicielles : le plus gros point d’investissement dans le modèle de production de Shein est sans doute la vision analytique des données collectées par leur logiciel. Si les algorithmes de Shein trouvent des opportunités marketing lucratives, alors ils touchent le gros lot. Mais en savoir plus sur les prévisions analytiques…

Prévision prédictive

Le processus de prévision des tendances de Shein fonctionne un peu différemment de celui des autres détaillants de mode rapide, en partie en raison de ses cycles de production incroyablement rapides. Ce n’est pas seulement en raison de son emplacement optimal, cependant, c’est en raison d’un certain traitement de lots étroitement organisé :

Vox écrit sur l’avenir de Shein et de la fast fashion, « Shein recueille et analyse constamment les données des clients et utilise ces connaissances pour élaborer de nouveaux modèles – dans un délai aussi court que trois jours… Les lots [de conception] étaient beaucoup plus petits que ceux de Zara et que ceux des détaillants de mode ultra-rapide comme Boohoo, qui auraient commandé environ 300 à 500 unités par style ». Si un haut spécifique devient viral pendant la nuit sur TikTok, par exemple, Shein sera en mesure d’augmenter instantanément la production du vêtement et de passer des commandes supplémentaires en fonction de la demande. »

Essentiellement, au lieu de placer tous ses paris sur quelques centaines de styles, Shein a placé des paris plus petits – avec un risque moindre – sur plusieurs milliers de styles.

Conclusion : Shein a-t-elle recyclé les déchets ?

Il ne fait aucun doute que Shein contrôle actuellement le secteur de la fast-fashion, et ce à une vitesse étonnante. Bien que cela puisse être partiellement attribué à certaines pratiques commerciales douteuses dans le but de réduire les dépenses, il y a également des preuves de changements de stratégie de fabrication clés qui peuvent informer les fournisseurs dans la chaîne d’approvisionnement post-pandémie.

Les problèmes les plus importants qui ressortent de cette évaluation sont la croissance effrénée de Shein et la négligence de sa stratégie de production à long terme. Sans avoir à recréer un tout nouveau protocole de pratiques de production, Shein pourrait s’attaquer à quelques-unes de ses principales fuites de déchets grâce à des extensions pratiques des applications logicielles.

Mais bien sûr, nous ne savons pas si Shein a une vision de la réussite à long terme ou de la domination rapide du marché avant un effondrement anticipé. Le verdict est peu probable que Shein ait éliminé les préoccupations concernant leur production de déchets industriels.

Peut-être ont-ils prouvé que le traitement rapide par lots avec analyse des ventes est le nouveau raccourci vers une chaîne d’approvisionnement réussie.

Indépendamment des aberrations inattendues du succès comme Shein, le marketing numérique et le contrôle des logiciels sur les analyses de la chaîne d’approvisionnement ouvriront la voie à l’évolution industrielle future dans un marché post-pandémique.

Top 16 comment faire un partenariat avec shein synthétisé par Phuoc Kieng